Lettre ouverte de protestation à Reporters Sans Frontières (Siège de Paris)
Date de publication : 27 avril 2017
À la direction et aux membres de Reporters Sans Frontières (RSF),
Cette lettre constitue une protestation formelle et publique.
Le Japon est, dans les faits et dans la réalité quotidienne, l’un des pays où la liberté de la presse est la plus étendue au monde. Pourtant, votre organisation continue de publier des classements affirmant que le Japon serait le dernier pays du G7 et relégué autour de la 70ᵉ place mondiale. Ces évaluations ne sont pas seulement erronées : elles sont gravement trompeuses.
Le Japon est un pays où les médias opèrent sans censure préalable, où les gouvernements et le Premier ministre sont critiqués quotidiennement sans entrave, où des journalistes et éditorialistes ouvertement hostiles à l’État ou à sa légitimité nationale occupent des positions centrales, et où des récits profondément critiques, voire dénigrants envers le pays lui-même, sont publiés sans aucune sanction légale. Un pays qui tolère et institutionnalise un tel niveau de contestation interne ne peut raisonnablement être décrit comme souffrant d’un déficit de liberté de la presse.
Mais il faut dire clairement ceci : le véritable problème au Japon n’est pas la répression gouvernementale des médias, mais l’existence persistante d’un journalisme idéologiquement biaisé, sélectif, et dans certains cas fondé sur des procédés de fabrication et de déformation des faits, pratiqués par de grands organes de presse tels que Asahi Shimbun, Kyodo News ou NHK — médias qui, de fait, avancent en étroite convergence avec les récits et évaluations produits par votre organisation. Voilà la réalité. Voilà la vérité.
Vos classements sont ensuite amplifiés avec empressement par ces mêmes acteurs : grands journaux, agences de presse, chaînes publiques, intellectuels autoproclamés, avocats militants et organisations dites « citoyennes ». Ils s’en servent non pour défendre la liberté de la presse, mais pour légitimer leurs propres dérives tout en attaquant la légitimité démocratique du Japon. Qu’elle le veuille ou non, RSF devient ainsi un maillon actif de cette chaîne de désinformation.
Cette situation est d’autant plus problématique que le Japon figure parmi les principaux contributeurs financiers aux organisations internationales basées à Paris et à Genève. Être matériellement soutenu par un pays tout en diffusant des évaluations qui le diffament systématiquement pose une question fondamentale de responsabilité morale.
S’il existait réellement un pays bénéficiant d’un degré de liberté de la presse supérieur à celui du Japon — une liberté si absolue qu’elle permettrait même la désinformation systématique sans contrepoids — un tel pays ne pourrait survivre comme État. Une liberté sans responsabilité ne renforce pas la démocratie : elle la dissout.
Il y a quelques années encore, certains citoyens japonais pouvaient accepter vos classements sans les questionner. Ce temps est révolu. Un nombre croissant de personnes au Japon comprend désormais que ces évaluations reflètent davantage des affinités idéologiques que des réalités empiriques.
Nous posons donc une question simple et directe : sur quels critères concrets, vérifiables et comparatifs fondez-vous le classement du Japon en dessous de pays où des journalistes sont emprisonnés, des médias fermés par l’État, ou des récits officiels imposés par la loi ?
Tant que RSF ne répondra pas à cette question avec transparence et honnêteté, ses classements mériteront la critique, non le respect.
Cette lettre est publiée ouvertement, car une véritable liberté de la presse ne craint pas l’examen.
La honte ne se décrète pas. Mais la responsabilité, oui.
Respectueusement,
Mikio Kisara
Japon
